Régions

Remettre de l'ordre, fusionner, simplifier, déléguer

Le constat

La décentralisation fait partie de ces marronniers de la presse pour en montrer les scandales, en dénoncer les gaspillages, un sujet qu'on aborde régulièrement, mais sans réflexion de fond sur son rôle dans l'équilibre de la société. La position des partis politiques est ambigüe à cet égard, la plupart de leurs dirigeants, souvent issus de la fonction publique, ne souhaitant pas vraiment décentraliser, car ils craignent une perte d'efficacité de l'action publique alors que c'est exactement l'inverse.

Les lois de décentralisation de 1982 ont permis de réaliser un énorme pas en avant, mais on s'est ingénié ensuite (les ministres de l'intérieur Chevènement et Pasqua, de fiers jacobins) à en dénaturer les règles pour pouvoir dire : voyez, la décentralisation çà ne marche pas ! Quand on veut noyer son chien... La loi dite 4D présentée par le gouvernement ne tranche pas, multiplie les expérimentations et va créer de la confusion supplémentaire. Nous l'abrogerions.

La plupart des pays qui réussissent mieux que la France sont plus décentralisés, ce n'est d'ailleurs pas difficile de l'être plus. Alors pourquoi décentraliser encore ? Les raisons en ont été explicités avec brio il y a 150 ans par TOCQUEVILLE dans son ouvrage "De la démocratie en Amérique" qui traite en fait davantage de la France que de l'Amérique... Le pouvoir démocratique en effet, tel qu'il émerge au début du XIXè, lui apparaît plus détaillé, plus intrusif, plus tutélaire que le pouvoir de l'ancien régime. Ce pouvoir, la représentation nationale, est élu par les citoyens c'est son aspect démocratique, mais il gouverne ensuite sans partage, s'occupant des petites comme des grandes choses et c'est ce qui le préoccupe :

Je vois bien que, de cette manière, on conserve l'intervention individuelle dans les plus importantes affaires ; mais on ne la supprime pas moins dans les petites et les particulières. L'on oublie que c'est surtout dans le détail qu'il est dangereux d'asservir les hommes. La sujétion dans les petites affaires se manifeste tous les jours et se fait sentir indistinctement à tous les citoyens. Elle ne les désespère point; mais elle les contrarie sans cesse et elle les porte à renoncer à l'usage de leur volonté.
Mais en France cette décentralisation mal pensée, bricolée et coûteuse ne recueille pas l'assentiment de la population car elle est incompréhensible et on ne sait plus qui fait quoi. Il faut donc remettre de l'ordre dans ce fatras et ne pas hésiter à bousculer les conservatismes locaux.

Les propositions

1 ) Etendre les compétences de la région

Les régions françaises sont des nains : avec un budget cumulé de 35 Mds €, elles représentent 1,5% du PIB. La loi NOTRe de 2015 a fait passer le nombre de régions de 22 à 13 et supprimé la clause générale de compétence pour les départements et régions afin de supprimer les doublons, mais n'a pas vraiment réussi à décentraliser la France qui reste le dernier pays aussi centralisé. La région participe au financement d'une multitude de projets, est présente aux inaugurations, fait des discours, coupe les rubans, mais sans en assumer la responsabilité ni la gestion et on comprend mieux ainsi la popularité des présidents.

Proposition : conserver les compétences d'attribution de la région -la compétence générale étant réservée aux communes- mais de lui transférer en outre :

  1. la politique agricole et la pêche ; nous proposons de régionaliser celle-ci, en lui confiant la gestion des fonds attribués par l'Europe à la France; en effet, les territoires de culture, les capacités et traditions agricoles sont différents d'une région à l'autre et doivent être gérés au plus près des bénéficiaires, nos agriculteurs et transformateurs,
  2. la santé; les Agences régionales de santé (ARS) sont conservées non plus comme services extérieurs du ministère de la santé, mais comme établissements publics autonomes rattachés au Conseil régional qui nommerait son directeur, (au lieu du Conseil des ministres actuellement), et deviendraient ainsi vraiment "régionales",
  3. la politique culturelle; hormis les grands établissements nationaux qui demeurent dans le giron de l'Etat, celle-ci serait transférée à la région avec les crédits correspondants,
  4. en revanche, tout ce qui est gestion des lycées et collèges sera retiré au département et à la région dans le cadre de la refonte du système de gestion de l'éducation plus autonome.
  5. la nation étant une et indivisible, nous sommes défavorables à toute reconnaissance d'une quelconque "nation" corse ou bretonne ou tout particularisme normatif régional qui mènera à l'éclatement du pays, l'exemple de la Catalogne et de la Lombardie ne plaidant pas dans ce sens.
  6. nous sommes défavorables à toute modification du découpage des régions actuelles.

2 ) Faire du département un élément constitutif de la région

Les départements français sont une création ex nihilo de la révolution de 1789, quasi géométrique, et n'ont de ce fait aucune légitimité historique ou territoriale, celle-ci appartenant aux Provinces (les régions d'aujourd'hui). Il eut été de bonne politique de les supprimer car on ne va plus à cheval au chef-lieu ! Néanmoins, certains d'entre eux ont acquis depuis deux siècles une forme de notoriété (Finistère, Vendée, Manche, Marne, Nord, Gers, Charente, Ardèche, Savoie...) car ils correspondent à des "pays" historiques et constituent un échelon de proximité indéniable.

Proposition : conserver, l’échelon départemental, non plus comme collectivités indépendantes, mais comme subdivisions de la région en leur conservant une compétence propre dans le domaine social, notamment la tutelle des maisons de retraite et EHPAD.

3 ) Revenir au conseiller unique département/région

Proposition : la conséquence de cette réorganisation en est le principe du conseiller unique, chaque élu départemental étant par ailleurs élu régional, la région devenant de ce fait l'assemblée regroupant les élus départementaux. Le projet mort-né porté sous la présidence SARKOZY prévoyait 3 500 conseillers territoriaux au lieu de 6 000 actuellement (4 500 départementaux, 1 500 régionaux). Reprendre ce projet en l'améliorant si besoin.

4 ) Réduire la TVA de 20 à 17%, régionaliser la différence

Aujourd'hui l'Etat perçoit une TVA au taux normal de 20% et en reverse une partie aux collectivités locales en contrepartie de leurs recettes qu'il a supprimées, comme les impôts de production. Ce système n'est ni juste, ni transparent, ni respectueux de l'autonomie locale.

Proposition : permettre aux régions de fixer et de percevoir directement une part de TVA, (les communes étant bénéficiaires d'une nouvelle taxe locale remplaçant la taxe d'habitation mais calculée par rapport au revenu).

Un point de TVA représentant 6,5 Mds €, réduire la part Etat de 20 à 17%, le complément de 3% constituant une recette directe des régions. Elles seraient libres de moduler ce taux -en plus ou en moins de 3%- applicable aux biens et services fournis dans la région et les présidents de région en assumeraient la responsabilité devant leurs électeurs.

5 ) Confier la péréquation financière interrégionale à l'Assemblée des Régions de France

Dans l'optique de l'autonomie financière des régions avec la régionalisation d'une part de TVA, la conséquence en est la suppression de la dotation globale de financement (DGF) des régions attribuée par l'Etat. Est-ce à dire qu'il n'y aurait plus de péréquation budgétaire entre régions ?

Proposition : confier à l'Assemblée des régions "Régions de France », le soin de définir les règles et de voter chaque année les montants de 2 types de péréquation régionales existant actuellement, soit la péréquation "verticale" ou DGF (qui deviendra "horizontale") et celle, déjà horizontale, du "Fonds national de péréquation des ressources des régions".

A cette assemblée de créer si elle le souhaite d'autres fonds de solidarité.