Pourquoi rien ne va plus chez Les Républicains

Par Jean Guicheteau

L’élection d’un nouveau président chez Les Républicains semble clore une période d’instabilité et de divisions et redonner espoir à ce vieux parti. Rappelons en effet qu’il date du mois de décembre 1976 avec la création du RPR, mais lui-même a été bâti par Chirac sur les fondations de l’UNR et l’on peut même faire remonter sa genèse au parti gaulliste RPF, c’est à dire juste après la guerre.

Depuis quinze ans (2007), ce parti, devenu UMP puis Les Républicains (LR), n’a remporté aucune élection nationale, qu’elle soit présidentielle ou législative. Les succès aux élections locales sont en trompe-l’oeil car ils reposent essentiellement sur l’implantation des élus sur le territoire et sur la popularité de présidents de Conseils régionaux qui n’assument aucune responsabilité majeure, avec l’obligation de dire non et par suite de faire des mécontents, et sont donc logiquement reconduits dans leurs fonctions (vrai pour le PS aussi…).
 
Les raisons en ont été largement évoquées par les commentateurs : l’affaire FILLION en 2017 qui a empêché celui-ci de défendre complètement ses chances, mais déjà on pouvait noter une érosion des scores dans l’opinion, l’émergence à sa gauche d’une formation nouvelle portée par MACRON, qui a préempté une partie de son programme, notamment économique et fiscal, et l’ascension irrésistible à droite de la formation lepéniste sur les questions de sécurité, d’immigration et de rééquilibrage territorial. Une difficulté de positionnement en étau et une perte de crédibilité pour un parti ayant été au gouvernement durant près de 40 ans depuis 1958.   

Tout cela est sans doute vrai, mais il y a une raison supplémentaire au recul de ce parti, et notamment son impuissance à élaborer un véritable programme politique à la hauteur des enjeux. Il faut voir un tournant majeur dans l’élection présidentielle de 1995, où Chirac, débordé dans les sondages par Balladur et contraint ainsi à se démarquer franchement de celui-ci s’il voulait accéder au 2ème tour, a pris le parti du clientélisme et d’une certaine forme de démagogie avec son slogan de « fracture sociale ». Non que le diagnostic soit erroné, bien au contraire, mais il correspondait plutôt chez lui à une posture électorale, superficielle, car Chirac une fois élu président l’a bien vite oublié, n’ayant plus d’autre obsession que de « qualifier » la France pour l’Euro, ces deux exigences étant incompatibles.

Alors que le parti néo-gaulliste s'était jusque là, dans la tradition gaullienne, adressé exclusivement à la France et aux Français dans leur ensemble, proposant des mesures générales de redressement, il alors vu tout l’avantage qu’il pouvait tirer de la segmentation de l’opinion en catégories électorales et sociologiques concurrentes : les citadins, les ruraux, les agriculteurs, les fonctionnaires, les jeunes, les vieux, les étudiants, les retraités, les médecins, les commerçants, les souverainistes, les européens…
Chirac et après lui Sarkozy, ont ainsi semé une multitude de graines du clientélisme et celles-ci ont prospéré comme des ronces qui maintenant étouffent ce parti et l’empêchent de proposer quoi que ce soit : veulent-ils réformer la santé, ils ont les médecins contre eux, développer l’agriculture biologique, là ce sont les agriculteurs et leur formation syndicale qui protestent, remettre les policiers sur le terrain, ils en sont de même interdits. L’absence de programme convainquant n’est pas tant le résultat du manque de travail et de réflexion (ce qui peut aussi advenir) que de l’impossibilité de s’extirper de cet enchevêtrement d’intérêts particuliers et contradictoires chez ses militants.

C’est d’ailleurs le candidat du conservatisme (vu dans son sens non pas philosophique ou éthique, parfaitement honorable, mais sociologique et électoral) et du clientélisme, Eric Ciotti, qui a fini par l’emporter.