Pouvoir d'achat et intéressement

Par Jacques LECLERC

Le pouvoir d'achat est devenu dans cette période pré-électorale la préoccupation principale des Français si l'on en croit les sondages. Aussi nos politiciens candidats rivalisent-ils de propositions pour essayer de trouver la solution permettant d'accroître les revenus sans trop augmenter les salaires. Et une solution, bon sang mais c'est bien sûr... l'intéressement, la participation.

Ils ont ainsi inventé une "réponse" en promettant, si par mégarde ils étaient élus, d'obliger les entreprises à distribuer une partie de leurs profits exorbitants aux salariés à l'origine de ces super-profits. Ainsi on pourrait imaginer que les profits soient répartis de la façon "équitable" suivante : 30% pour les employés, 30% pour les actionnaires et le reste pour les investissements.

Hélas, cette vision des choses méconnaît complètement la nature même du capitalisme et comment il fonctionne. En effet, une entreprise peut se définir comme une série de contrats dans laquelle il y a 3 catégories de personnes : les créateurs et propriétaires de l'entreprise, les fournisseurs de celle-ci, parmi lesquels les banquiers, et enfin les salariés. Ces 2 dernières catégories signent au moment où leur participation est actée, un contrat avec une rémunération fixée A L'AVANCE, quels que soient les résultats de l'exercice, alors que pour les propriétaires, on ne prévoit AUCUNE rémunération : ils doivent se payer sur ce qui restera AU FINAL, une fois qu'ils auront réglé toutes leurs charges, assumé toutes leurs dettes. Si le résultat est négatif, ils ne toucheront rien et devront prélever encore sur leur capital pour combler les pertes (ou demander à la banque une avance à rembourser ultérieurement).

Mais alors pourquoi trouve-t-on néanmoins des gens assez fous et inconscients pour se lancer dans de telles entreprises ? Parce qu'ils espèrent qu'ils arriveront malgré tout à dégager une marge en fin d'exercice et qu'ils pourront ainsi se verser un revenu. Mais il y a un risque qu'ils ont décidé d'assumer et la contrepartie de cela, c'est que le profit dégagé puisse devenir suffisamment important et même très important pour les inciter à tenter quand même le coup ! C'est comme çà que fonctionne le capitalisme et il n'y a aucune raison, n'en déplaise au général de Gaulle et à ses émules, que les salariés perçoivent une partie du résultat puisqu'ils ont déjà reçu leur dû sous forme de salaire. Le contrat a été honoré, pourrait-on dire, l'entreprise ne leur doit plus rien et l'Etat n'est pas davantage fondé à imposer une répartition qui n'a pas été prévue au contrat. Et même si les profits sont très importants, ce n'est pas plus légitime ou alors pourquoi le banquier ne pourrait pas dire lui aussi : "les résultats sont énormes, j'y ai contribué, donc je relève mon taux d'intérêt."

Que les entreprises décident en fin d'exercice de distribuer des primes exceptionnelles aux salariés en fonction des résultats, c'est une bonne politique de motivation de ceux-ci et ne peut qu'être encouragé, mais n'a rien à voir avec une répartition des profits pour relancer le pouvoir d'achat. D'ailleurs l'Etat, employeur de 5 millions de salariés fonctionnaires ou agents publics a toute liberté, lui, pour augmenter les salaires et contribuer ainsi au pouvoir d'achat des Français, mais il se garde bien de le faire car cela gonflerait le déficit puisqu'il a renoncé à réduire le nombre de ses personnels et qu'il doit en conséquence geler le point d'indice depuis 20 ans !