La maladie sénile de la démocratie
Par Jean Guicheteau
Tout régime politique, aussi perfectionné soit-il, finit par se corrompre et déchoir avant de disparaître. La démocratie ne semble pas, hélas, faire exception à la règle. La culture du "woke", le jeunisme , la contestation de l'autorité sont des maladies de la démocratie décrites remarquablement il y a 2300 ans par PLATON dans son ouvrage majeur "La République"; dans cet ouvrage en effet il est amené à comparer différentes formes de régime socio-politique à son avis défectueuses (le seul régime vertueux à ses yeux étant l'aristocratie) : l'oligarchie, la démocratie, la tyrannie. La démocratie se pervertit par démagogie et souci excessif de l'égalité, elle dégénère en oligarchie (le pouvoir de l'argent) puis en tyrannie (le pouvoir d'un seul). En bleu, les phénomènes contemporains de déliquescence de la démocratie.
Quand une cité gouvernée démocratiquement et assoiffée de liberté tombe par hasard sous la coupe de mauvais échansons [les "progressistes"] et s'enivre du vin de la liberté, dépassant les limites de la mesure, alors ceux qui sont au pouvoir, s'ils ne sont pas entièrement complaisants et ne lui accordent pas une pleine liberté, elle les met en accusation pour les châtier comme des criminels et des oligarques [universités américaines].Quelles sont les conséquences, non de la liberté, mais de sa démesure ? La tyrannie, qui est, selon Platon, une action démesurée dans l'autre sens, la privation excessive de toute espèce de liberté. En effet, les faux-bourdons, qui ne produisent rien (les technocrates), viennent capter le miel des producteurs pour le redistribuer au peuple tout en en prélevant une grande partie au passage (la bureaucratie).Quant à ceux qui respectent l'autorité des gouvernants, on les invective en les traitant d'hommes serviles et de vauriens, mais les gouvernants qui passent pour des gouvernés [le président "normal"], et les gouvernés qui passent pour des gouvernants [les contestataires professionnels], ce sont eux dont on fait l'éloge en privé comme en public, ce sont eux auxquels on accorde du respect.
[...] Le père prend l'habitude de se comporter comme s'il était semblable à son enfant et se met à craindre ses fils et réciproquement, le fils se fait l'égal de son père et ne manifeste plus aucun respect ni soumission à l'endroit de ses parents [la crise de l'autorité]. Dans quel but ? Devenir libre. Et pareillement pour le métèque qui se fait l'égal du citoyen et le citoyen l'égal du métèque et de même pour l'étranger.
Dans ce régime, le maître craint ceux à qui il enseigne. Les élèves, eux, ont peu de respect pour les maîtres et pas davantage pour leurs pédagogues. On peut dire que généralement les jeunes conforment leurs gestes au modèle des plus vieux et ils rivalisent avec eux en paroles et en actions. De leur côté, les vieux sont racoleurs, ils se répandent en gentillesses et amabilités auprès des jeunes, allant jusqu'à les imiter par crainte de paraître antipathiques et autoritaires [Le jeunisme].
[...] Dans cette cité, en effet, les animaux, qui sont au service des hommes, sont plus libres que dans une autre. C'est là que les chiennes, pour suivre le proverbe, deviennent absolument semblables à leurs maîtresses [l'antispécisme], et les chevaux, comme les ânes, habitués à se déplacer fièrement en toute liberté, bousculent à tout coup le passant qu'ils trouvent sur leur chemin, si, par mégarde, celui-ci ne se range pas. Et tout le reste est à l'avenant, une pléthore de libertés !
La cité (la société), est en danger car on en vient à appeller "vertu" ce qui est son exact contraire : les démagogues appellent en effet "la démesure, 'éducation réussie', l'anarchie, 'liberté', la prodigalité, 'magnificience' et l'impudence, 'courage'". Dans cette cité "démocratique" règne le pouvoir "de faire tout ce que l'on veut", notamment on y trouve selon Platon "toutes les espèces de constitutions politiques, comme si on était entré dans un marché aux constitutions" pour choisir celle qu'on préfère. C'est comme "un manteau bigarré, orné de toutes les couleurs, un gouvernement bariolé" [multiculturalisme, communautarisme].
Mais le capitalisme, (qui existait déjà à l'époque de Platon, fût-ce sous une forme embryonnaire), n'échappe pas à cette déchéance par manque de mesure, et se corrompt lui aussi dans l'oligarchie, qui est le pouvoir sans partage des riches :
- de quel système politique parles-tu [Socrate] quand tu parles d'oligarchie ?
- C'est, répondis-je, la constitution politique fondée sur la valeur de la propriété, où les riches commandent et où les pauvres n'ont aucune part au pouvoir. Tout d'abord [les riches] découvrent les raisons de dépenser pour eux-mêmes et pour cela ils se soustraient aux lois et ne leur obéissent plus [les GAFA]. [...] Ils se mettent en quête d'une richesse toujours plus considérable, et plus ils y accordent de valeur, moins ils en accordent à la vertu. [...] De cette façon, au lieu d'être des hommes amoureux de la victoire et amoureux de l'honneur, ils finissent par devenir amoureux de l'enrichissement et amoureux de l'argent. Ils font l'éloge de l'homme riche, ils l'admirent et le portent au pouvoir. Quant au pauvre, ils le méprisent. [le maire des Sables]
Aussi le peuple excédé finit par se tourner vers un tyran (le populisme, le bonapartisme) qui prend le pouvoir et s'impose seul à la tête de la cité pour rétablir l'ordre (ou ce qu'il considère comme tel).