Intelligence artificielle : la menace est ausi culturelle

Par Jacques Leclerc

Le dernier développement de l'intelligence artificielle (IA) a été la mise en ligne de Chat GPT par Microsoft, notamment comme support de son moteur de recherche Bing, rendant désormais celle-ci facilement accessible et utilisable par le grand public. Cette diffusion a suscité beaucoup de commentaires sur l'irruption de cette technologie dans la vie quotidienne. Des aspects positifs comme aide à la décision dans de nombreuses professions ou même pour la recherche d'informations sur internet, mais des aspects négatifs ont été largement évoqués, notamment la menace à l'emploi qu'elle ferait peser sur certaines professions intellectuelles (comptable, avocat, consultant et même artistes...).

Il est cependant un élément moins commenté, mais qui est cependant majeur, c'est la menace d'ordre culturel que l'IA fait peser sur les intelligences européennes. En effet, pour être efficace, l'IA doit assimiler une quantité très importante de datas, généralement récupérées sur internet et stockées dans des bases de données. Or pour différentes raisons, en particulier parce que ses géniteurs sont américains, les réponses apportées par le robot conversationnel sont très nettement affectées et orientées par l'origine des données, la façon de penser, les raisonnements juridiques et donc la culture américaine. C'est la conséquence de l'absence de l'Europe dans ce domaine, aucun GAFAM européen ne pouvant actuellement rivaliser avec ceux de Californie (ou même de Chine).

L'IA risque donc de devenir, plus encore que le cinéma, le Coca Cola ou le jean, un très puissant vecteur de diffusion de la culture d'outre-atlantique, les millions de questions posées par les utilisateurs européens ne recevant que des réponses pensées dans des cerveaux américains à partir de données américaines traitées par des algorithmes américains. Les images elle-mêmes seront prioritairement celles de l'Amérique du nord et on le voit déjà dans celles qui sont proposées dans les CAPTCHA de connexion à nos sites internet...

Il devient donc urgent de "bombarder" le système avec des données européennes, mais nous en manquons, du fait du RGPD, et même de réfléchir à la mise au point d'un OPEN-IA européen, qui serait une alternative au rouleau compresseur yankee.