Vive la décentralisation dans le privé aussi !

Par Jacques LECLERC

Vous avez certainement connu quelques désagréments dans vos relations avec votre banquier, votre syndic, votre assureur ou votre opérateur télécom. Plus de contact direct, plus d'interlocuteur à qui parler et qui vous connaît, plus de relation humaine, mais la voix artificielle d'un répondeur qui vous ordonne d'appuyer sur la touche 1, 2 ou 3.

Et quand vous obtenez quelqu'un au bout du fil, la plupart du temps c'est un centre d'appel et si votre demande sort du cadre, il ne peut rien faire pour vous : les personnes joignables ne sont pas décideurs et les décideurs ne sont pas joignables ! Cela est vrai aussi dans l'administration mais curieusement le contact avec le public s'est plutôt amélioré dans les services publics alors qu'il s'est dégradé ailleurs. Ce symptôme a un nom : bureaucratie, centralisation, rentabilité (à courte vue).

La data c'est leur dada !

Cette évolution est la conséquence de la concentration financière et de la nomination de cadres administratifs issus des grandes écoles de commerce qui ont pris les commandes des principales entreprises de service en ramenant à eux (et à Paris...) la plupart des décisions qui auparavant étaient instruites et arbitrées localement : ainsi par exemple, un prêt à un particulier de 200 000 € n'est plus décidé par le directeur de l'agence locale mais par le siège de la banque. Cela signifie des délais plus longs, un dossier plus épais à constituer et une absence totale d'information en retour pendant l'instruction par des gens qui ne vous connaissent pas et se méfient par principe de vous. Il faut faire des économies de personnel, pourquoi pas, mais il semble que nos dirigeants choisissent de sacrifier plutôt les gens de terrain, les personnes à l'accueil, les professionnels locaux au profit d'analystes, les "data scientists" hébergés au siège, ne voyant jamais un client mais maniant uniquement des ratios pour savoir quels sont vos besoins au lieu de vous le demander directement, ce serait trop simple !

La dématérialisation et internet sont invoqués pour justifier ces évolutions, mais il n'est pas acceptable qu'elles se fassent au détriment de la qualité et sur le dos du client. Internet en effet ne peut à lui tout seul remplacer le service personnalisé et humain: il n'est qu'un complément, appréciable dans les opérations routinières (payer ses impôts ou ses charges immobilières par exemple) mais qui ne saurait se substituer à la relation de confiance personnelle et locale, indispensable dans les situations particulières et complexes.