L'Etat doit-il être généreux ?

Par Jacques LECLERC

Quand on parle du pouvoir d'achat, de la misère des SDF, de l'aide au tiers monde ou de l'accueil des réfugiés, on invoque souvent le terme de "générosité" pour caractériser l'action de la puissance publique : elle doit faire preuve de compassion à l'égard des personnes en difficulté en ne lésinant pas sur les moyens à mettre en oeuvre pour éradiquer complètement la misère, "indigne" de notre société "riche".

Mais n'est-ce pas un abus de langage que de prêter des sentiments ou une "morale" à une entité abstraite et désincarnée comme l'Etat ? Par ailleurs, les politiques et fonctionnaires qui agissent dans ce cadre ne sollicitent pas leur propres fonds, mais l'argent public, prélevé d'autorité sur les citoyens et dont ils sont redevables du bon usage. Aucune générosité de leur part dans ce cadre. Car celle-ci relève de la morale personnelle et de l'action volontaire qui vous coûte puisqu'on doit se séparer d'une partie de ses richesses si on veut faire acte de générosité ou de charité (celle-ci n'étant pas une vague condescendance méprisante mais l'amour des autres).

Des français très généreux

Les Français, quand on les sollicite personnellement, répondent présent. On l'a bien vu après la catastrophe de la vallée de la Vésubie en 2020 où l'on a vu arriver des camions remplis de fournitures diverses, vêtements, conserves, produits courants et même des salles à manger entières ! Le montant annuel des dons des particuliers aux associations caritatives et d'utilité publique représente environ 5 Mds€, en hausse de 14% entre 2019 et 2020 ! Les femmes sont plus généreuses avec 55% des dons.

Aucune limite au déploiement de la puissance publique

La dépense publique présente cette différence avec la dépense privée : elle ne dispose pas des régulateurs intégrés qui permettent d'en limiter la croissance. L'économie privée est contrainte en permanence par la capacité contributive des intervenants, la disponibilité des ressources pour les offreurs, la régulation par les prix pour les acheteurs et un équilibre spontané se forme entre l'offre et la demande. Rien de tel dans le secteur public où toute demande d'intervention supplémentaire ne peut que recevoir l'approbation de tous puisque personne n'en paie le prix, du moins immédiat, en l'absence de marché permettant de révéler les préférences. On voit l'avantage, mais pas l'inconvénient, qui est dillué dans la masse. Il faut donc qu'une autorité contrôle, et dise : "non", c'est le rôle du parlement mais il a abdiqué en grande partie cette fonction majeure.

Rétablir un contrôle spontané des dépenses publiques

Une autre méthode consisterait à faire des fonctionnaires eux-mêmes les "gardiens" de cette dépense en les intéressant directement à la gestion de leur budget, en les incitant à supprimer les interventions qui ne servent à rien et à redéployer en permanence les moyens. Cela nécessite de réformer profondément le fonctionnement de la sphère publique, en fixant les résultats à atteindre, en les évaluant dans une démarche qualité et en déléguant le pouvoir de gestion aux opérationnels comme on dit, ceux qui délivrent directement les prestations.