Europe

Europe et économie

Le constat

A quoi sert vraiment l'Europe ? Le grand marché de 1992 avait pour ambition d'apporter plus de prospérité aux peuples la composant. Cet objectif a été peu ou prou atteint jusqu'en 2010, mais aujourd'hui on constate qu'il y a des perdants et des gagnants. Entre les pays du sud, ceux de l'est et l'Europe du nord, on voit se creuser les divergences de trajectoire économique ce qui peut mener à terme à un éclatement.

Pourquoi en être arrivé là ? Il y a eu 2 phénomènes. On a d'abord transformé le grand marché en marché de la demande, celui des consommateurs, sans organiser parallèllement celui de l'offre, des activités économiques, les entreprises européennes devant bénéficier d'un ACCES PRIVILEGIE à ce marché de 350 millions de consommateurs avant d'affronter le reste du monde, mais la mondalisation tarifaire a détricoté cette promesse. On a ensuite institué la monnaie unique l'euro, tout en réalisant l'élargissement à l'est, mais il aurait alors fallu choisir entre les 2. En effet, c'est comme si à côté du parking payant (la zone euro), on avait créé un parking gratuit (les pays de l'Est); il n'est pas surprenant que le parking payant soit en difficulté.

Les propositions

1 ) Recréer une zone économique privilégiée

La mondialisation et ses avancées remarquables en matière de désarmement tarifaire a tué dans l'oeuf la notion de grand marché européen et de tarif extérieur commun qui en est le principe. Aujourd'hui on se rend compte de la méprise et notamment d'avoir conféré à la Chine dans le cadre de l'OMC quasiment le statut de "pays à économie de marché", ce qu'elle n'est pas vraiment (industrie largement subventionnée alors que c'est interdit - à juste titre- en Europe).

Nous ne devons pas craindre de revenir sur ces avancées qui font de l'Europe un "ventre mou" de la mondialisation et user de cette faculté tarifaire pour protéger les industries naissantes. Elle a cru qu'en montrant l'exemple, les autres suivraient, or ce n'est pas le cas, notamment l'accès aux marchés publics américains et chinois est bloqué.

Propositions :

  1. remettre en chantier des protections "ciblées" sur certains secteurs et revenir sur la notion de monopole européen, inexistant à partir du moment où la concurrence est mondiale,
  2. imposer la réciprocité dans l'accès aux marchés publics.

2 ) Non à la liberté absolue des mouvement de capitaux

Comme l'avait noté l'économiste Paul FABRA, il n'est pas sûr que le théorème des avantages comparés de RICARDO puisse encore fonctionner aujourd'hui, car il désavantageait les industriels anglais, obligés de continuer à produire en Angleterre, alors que le Portugal était plus compétitif aussi pour les draps. Ils seraient tentés de délocaliser leur production de draps au Portugal et la liberté des mouvements de capitaux, qui n'existait pas à l'époque, leur permettrait de le faire aujourd'hui.

Un dicton Juif dit qu'il est cruel de faire cuire l'agneau dans le lait de sa mère, mais il est cruel aussi de délocaliser une usine avec l'argent des ouvriers licenciés. On a vu des usines être délocalisées de France vers la Pologne (Good Year, Whirlpool, Continental...) à cause des coûts de main d'oeuvre très faibles (SMIC à 500 €). Mais les pays de l'Est bénéficient de subventions importantes de l'Europe (donc payées en partie par des ouvriers français) avec lesquelles ils financent des infrastructures (routes, entrepôts...) qui leur permettent d'être plus compétitifs. Dans ce cas, il ne devrait pas leur être permis de concurrencer leurs propres partenaires qui continuent à les financer par ailleurs.

Proposition : mieux contrôler la destination des mouvements de capitaux en Europe et aussi hors Europe.

3 ) Réduire la part de la destruction non créatrice et des désavantages absolus

L'Europe vit encore sur 2 mythes économiques : la "destruction créatrice" de Joseph SCHUMPETER, qui veut que les activités supprimées soient remplacées par d'autres plus rémunératrices, et les "avantages comparés" de David RICARDO qui veut qu'un pays moins compétitif dans tous les domaines ait tout de même avantage à s'ouvrir au commerce international. Ces théories ont eu leur pertinence, mais aujourd'hui nous constatons qu'elles sont inopérantes pour expliquer les pertes d'activité manufacturière en Europe occidentale et en France en particulier.

Des industries ont migré en Europe orientale et en Chine compte tenu des facilités accordées depuis 30 ans à la mobilité des capitaux, et surtout à cause de coûts de main d'oeuvre 3 à 4 fois moindres. Il n'y a aucune créativité ni innovation là-dedans, mais la dure réalité du commerce et la conséquence des promesses non tenues par la Chine notamment (ouverture de son marché). La taxe carbone par tonne de CO2 en Chine est de 2 € contre 60 € en Europe, il faudrait donc taxer les produits importés de la différence !

Proposition : revenir sur ces facilités, et cesser de donner un avantage comparatif absolu à des pays qui ne respectent ni les normes sociales minimum, ni les normes environnementales, tout en les durcissant dans nos pays. Il semble que les esprits, après l'expérience Trump et le Brexit, soient en train d'évoluer sur ce point (projet de taxe carbone aux frontières), mais il faut aller plus vite et plus loin pour protéger nos activités de main d'oeuvre. Il est en effet illusoire de penser qu'on va pouvoir employer tout le monde dans la "nouvelle économie" et les "services aux personnes".

4 ) Répartir les activités stratégiques en Europe

La crise de la COVID-19 a montré que les Européens, en s'approvisionnant massivement en Inde et en Asie du Sud-Est, notamment pour les médicaments et dispositifs médicaux, essentiellement pour des raisons de coûts de production, se sont placés dans une situation de dépendance et de grande fragilité en cas de crise sanitaire ou politique. Le même raisonnement peut être tenu pour le numérique, micro-processeurs en particulier.

Il n'est pas réaliste de penser que la France pourrait seule rapatrier, même une partie de ces productions sur son territoire, et c'est là que l'Europe peut être utile car elle présente en revanche la taille critique suffisante pour le faire.

Proposition : organiser une répartition des activités stratégiques en Europe, l'Allemagne s'occupant par exemple des batteries, La France et les Pays-Bas du médical, la Pologne des médicaments, la Suède des télécommunications etc. Il n'est pas nécessaire non plus de satisfaire sur le site Europe 100% des besoins, 40% suffisent et permettent de monter en régime si besoin.