Les institutions
Technique du coup d'Etat
1 - Un président qui préside, inspire, impulse, mais ne gouverne pas
La pratique exclusive, verticale et solitaire du pouvoir, la captation par la présidence de l’essentiel de la fonction gouvernementale depuis 20 ans, a atteint ses limites caricaturales avec MACRON. Que les Français semblent plébisciter l'élection présidentielle et légitimer cette situation semble prendre l'effet pour la cause, car ils ont compris que l'essentiel du pouvoir se concentre à ce niveau et, réalistes, ils en tirent les conséquences, sans qu'on puisse affirmer qu'ils y consentent vraiment.
Les Electeurs-Libres prônent une stricte application des textes avec un président ARBITRE mais QUI NE GOUVERNE PAS. Ce rôle est normalement dévolu au premier ministre, qui n'est d'ailleurs pas, contrairement à ce qu'on laisse croire, "l'employé" du Président, quelqu'un qui serait sous ses ordres. Il a son rôle propre, différent, avec une forte légitimité qui s'appuie sur la confiance d'une majorité à l'assemblée.
C'est ce qu'ont voulu les rédacteurs même de la Constitution de 1958, dans le cadre du Comité consultatif constitutionnel de juin ; en effet, la question d'un éventuel bicéphalisme gouvernemental avait déjà été soulevée à l'époque et la réponse du commissaire du gouvernement fut claire :
"Ne sommes-nous pas en présence d'un exécutif à deux têtes et n'y a-t-il pas là la source d'un grand nombre de conflits possibles ? Peut être notre rédaction est-elle à bien des égards imparfaite, mais en tout cas l'esprit de ce document n'est certainement pas d'instituer un bicéphalisme. Le chef du pouvoir exécutif, c'est le premier ministre, le président de la République ayant un rôle différent, le rôle d'un homme qui veille au respect de la Constitution, qui assure le fonctionnement régulier des Pouvoirs publics, qui intervient, il est vrai, dans de grandes circonstances, mais des circonstances ayant un caractère exceptionnel ; qui a un rôle propre, ce rôle étant un rôle d'arbitre."
Cette évolution vers le présidentialisme a été décrite par CHIRAC lors de la campagne présidentielle de 1995 dans une émission de télévision : "Le politique ne décide plus, sa situation s'est considérablement dégradée".
2 - Les effets néfastes du présidentialisme à la française
Les effets néfastes du présidentialisme à la française ont été magistralement décrits par Jean-François REVEL dans son ouvrage "L'Absolutisme inefficace" publié en 1992, il y a près de trente ans ! La concentration des pouvoirs entre les mains de l'Etat et au sein de celui-ci entre celles du seul président de la République induit des effets extrêmement néfastes sur l'efficacité gouvernementale et la gestion du pays. En effet, non seulement le président n'agit pas, tétanisé par les sondages, l'état de l'opinion publique et la crainte des manifestations qui dégénèrent (gilets jaunes), mais en plus il empêche les autres d'agir : le premier ministre et le gouvernement, les ministres, mais aussi l'ensemble de la société, immobilisée dans l’attente d'une initiative du président qui n'a jamais lieu.
3 - Supprimer l'élection au suffrage universel ?
Si toutefois il s'avèrait impossible de contenir le président dans son rôle d'arbitre - rôle extrêmement important mais qui ne se confond pas avec celui de gouverner - alors il faudra envisager de SUPPRIMER L'ELECTION DE CELUI-CI AU SUFFRAGE UNIVERSEL, afin de ne retenir qu'une seule légitimité, celle de l'assemblée et du gouvernement responsable devant elle. En effet, ce ne sont pas les institutions en soi qui sont désirables, elles ne sont que des moyens pour arriver à des fins, mais ce qu'elles permettent de faire... ou non.
Les français l'ignorent, mais la Constitution de 1958 n'est pas appliquée ! Les Electeurs-libres ne demandent rien de plus que l'application de la constitution de 1958. La France est une monarchie dit-on, fort bien, mais cette monarchie n'est même pas constitutionnelle. Dans la typologie des régimes institutionnels, il n'y en a que 2 qui fonctionnent : parlementaire ou présidentiel avec chacun sa logique et ses contrepoids, mais le système intermédiaire français défie toute logique et ne peut certainement pas marcher...
Car le texte décrit un véritable régime parlementaire, avec un Premier Ministre qui "conduit l'action du gouvernement" (et non le Président...) responsable devant l'Assemblée Nationale élue au scrutin majoritaire. Le Président, élu par un collège de grands électeurs, assure par son "arbitrage" le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Pourquoi ce terme de "régulier" ? Il faut bien comprendre que dans l'esprit de De Gaulle, inspirateur de cette constitution, il s'agit d'éviter la catastrophe de juin 1940 (et aussi l'impuissance de la 4ème République, notamment face à la décolonisation), où on avait l'impression d'un effondrement de l'autorité de l'Etat après la déroute militaire. Il faut donc quelqu'un "qui soit un chef", notamment des armées, pour en cas de crise grave trancher, prendre les mesures d'exception qui s'imposent, soit à titre préventif soit en mode "pompiers" -militaires ou autres, dissoudre l'Assemblée, nommer un nouveau Premier Ministre avec une feuille de route...etc. et ensuite, une fois la crise dénouée, s'abstenir d'intervenir en laissant le gouvernement et le parlement jouer leur rôle "normal" en période "normale".
Or ce n'est pas du tout ce qui se passe dans la pratique, et la responsabilité en incombe en partie à de Gaulle lui-même qui n'a pas pu s'empêcher de continuer à intervenir dans la politique de la France mais en contradiction avec le texte même de "sa" Constitution. Ses successeurs n'ont fait qu'accentuer ce phénomène mais il faut bien voir que ce n'est pas simplement un problème juridique qui intéresserait seulement de "vieilles barbes" constitutionnalistes. Car comme l'a fort talentueusement montré Jean-François REVEL, dans son livre "l'Absolutisme inefficace " il y a presque 30 ans déjà, cette captation de l'action gouvernementale et politique par le Président et son entourage de conseillers entraîne de graves conséquences sur la démocratie et sur l'efficacité de l'action et surtout crée en retour l'impuissance du pouvoir politique à agir (un comble !). Cela a donc une conséquence sur la vie de chaque français.
En effet un homme seul, quelque soit par ailleurs son talent, qui n'est pas responsable devant le parlement, ne peut pas engager une action politique dans la durée et l'idée qu'il doit tout faire pendant les 6 premiers mois après son élection est absurde, alors il faudrait élire un Président tous les 6 mois !