Pourquoi vouloir faire les "Etats-Unis d'Europe" n'a aucun sens

Par Jean Guicheteau

L'idée du fédéralisme européen est née après la guerre et se proposait de réaliser en Europe ce que les États-Unis avaient construit à partir de leurs treize colonies initiales. Cette idée était défendue par des personnalités influentes comme Jean MONNET, un des "pères" de l'Europe institutionnelle, qui avait des liens très étroits avec les USA, et souhaitait constituer progressivement une "Union" à caractère fédéral sur ce modèle. Elle aurait associé les six États signataires des traités successifs de l'Euratom, de la CECA et de Rome.

Cette idée a été combattue, notamment quand il s'est agi de réaliser une "communauté européenne de défense" (CED), la France ayant voté contre en 1954. Cette idée a été prolongée lors de la création du parlement européen en 1979 et combattue là aussi avec véhémence (appel de Cochin). Cette idée est présente dans la création de l'Euro et de la BCE, et contestée par les souverainistes encore une fois (discours de Philippe SÉGUIN à l'Assemblée nationale en 1992).

Mais pourquoi cette idée de fédéralisme est irréaliste, pourquoi çà ne peut pas marcher et comment sortir du statu quo ?

Les États américains ont l'autonomie mais pas la souveraineté, à l'inverse des États européens

Ces 50 états reproduisent peu ou prou l'organisation institutionnelle de l’État fédéral avec un congrès et un gouverneur élus. Ils élaborent leur propre législation, leurs règles fiscales, possède une police, mais n'ont pas la souveraineté territoriale complète d'un État souverain : pas d'armée, pas de politique étrangère, impossibilité de faire scission à l'intérieur de l’État ou de fusionner avec un autre, sans accord du parlement fédéral... On dira donc qu'ils ont l'autonomie, mais pas la souveraineté.

Pour les États européens, c'est l'inverse : ils ont la souveraineté, intérieure et extérieure, mais n'ont plus l'autonomie, du moins dans les matières qu'ils ont déléguées aux institutions européennes (agriculture, concurrence...). Il faut bien comprendre que l'Europe ne peut pas exister sans les États qui la composent : on l'accuse souvent d'être désincarnée, technocratique, sans âme... mais heureusement ! L'âme elle appartient aux peuples (voir la fameuse tirade de De Gaulle en 1962 sur Dante, Goethe et Châteaubriant contre le volapük intégré), pas à l'Europe. Ce sont donc les peuples la composant qui confèrent à l'Europe son identité, mais elle n'en a aucune en dehors d'eux (à la différence de l’État fédéral étasunien).

Des institutions inadaptées

Ces institutions sont marquées par cette ambiguïté originelle de la réalité historique et culturelle d'une part, et de la volonté des fondateurs de créer une entité politique fédérale nouvelle, inspirée des États-Unis, mais à tort on vient de le voir. La Commission et le Parlement relèvent de cet esprit fédéraliste, le Conseil au contraire d'une conception plutôt inter-étatique. Mais cela rend l'Europe institutionnelle incompréhensible et confuse pour la majeure partie de ses citoyens.