La politique du logement ne peut pas être déconnectée du reste

Par Jean Guicheteau

Plus de 45 Md€ sont dépensés chaque année pour la politique du logement et 80 Md€ sont ponctionnés par la puissance publique, nationale et locale, en taxes et impôts sur l'immobilier. Pourtant, selon les professionnels, ce secteur connaît en ce moment une très grave crise, notamment dans la construction, qui est en berne. Ils tirent un signal d'alarme en demandant au gouvernement de mettre en place au plus vite de nouvelles mesures d'encouragement à l'acquisition de logements (prêts à taux zéro, incitations fiscales...).

Le gouvernement est en fait rattrapé par son imprévoyance et son incapacité à anticiper les problèmes fonciers et écologiques qu'une concentration déséquilibrée a suscités. On ne peut pas se contenter d'encourager encore la construction dans les zones qui sont déjà saturées alors qu'une grande partie du territoire reste abordable à un prix tout à fait raisonnable.

Un déséquilibre inquiétant

Quand on regarde une carte de France, on s'aperçoit que l'activité économique et donc l'emploi, est concentrée en région parisienne et sur la périphérie du territoire (régions nord, nord-ouest, ouest, sud-ouest, midi, vallée du Rhône, Alsace), mais que la partie centrale est beaucoup moins pourvue avec une zone carrément dépeuplée, la fameuse "diagonale du vide" qui va de la Meuse au Roussillon. Cette zone centrale a en effet subi depuis 40 ans une terrible saignée industrielle sans pouvoir attirer en contrepartie les nouvelles activités tertiaires, concentrées dans les métropoles. Il en résulte une "fracture territoriale" et "sociale" par voie de conséquence, très bien décrite par les ouvrages de Christophe GUILLUY. Et aussi en réalité un gaspillage considérable de ressources avec tous les surcoûts cachés de la concentration urbaine.

Fort bien, mais qu'a-t-on fait depuis ? Pas grand chose. Or il faut bien comprendre qu'il n'y aura pas de solution durable au problème du logement et de son prix sans une puissante action de rééquilibrage territorial de la France que seuls les pouvoirs publics, nationaux et régionaux, sont en mesure d'assumer. La politique du logement ne peut donc être dissociée à la fois d'une politique industrielle et d'une politique d'aménagement du territoire. Cela signifie qu'il faut implanter les industries de demain en priorité dans ces départements en crise, et redéployer une grande partie des crédits d'action économique vers ces territoires délaissés.

Parallèlement, il faut relancer la politique d'aménagement du territoire, ce qui signifie réaliser un zonage du territoire pour interdire la construction supplémentaire de bureaux ou d'ateliers dans certaines zones déjà saturées et subventionner les installations indutrielles dans les communes en souffrance. Il n'est pas nécessaire pour cela de dépenser de l'argent public supplémentaire : il faut mieux cibler celui-ci et le réaffecter vers les zones qui en ont vraiment besoin, assumer cette politique. Car le système actuel aboutit à l'effet inverse de celui qui est recherché : subventionner la construction dans les territoires qui sont déjà trop pourvus.

Faut-il recréer la DATAR ?

La tentation, bien française, pourrait être de créer une nouvelle agence nationale dédiée à cette politique de rééquilibrage, qui requiert une coordination. Nous pensons au contraire qu'il faut utiliser les administrations existantes et surtout confier aux régions le soin de mettre en œuvre, sur le terrain, les actions concrètes à mener.